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Impact du dieselgate et de la fraude aux filtres à particules sur la qualité de l'air

Introduction

Les moteurs diesel émettent davantage de particules fines (PM pour « particulate matter ») et d’oxydes d'azote (NOx = NO + NO2) en comparaison aux autres types de motorisations. Afin de répondre aux normes d'émissions européennes de plus en plus strictes pour ces polluants, les véhicules diesel modernes sont équipés de systèmes « deNOx » et de filtres à particules.
Les émissions de particules fines (suie) des voitures diesel ont diminué de manière significative avec l'introduction du filtre à particules, mais les émissions de NOx restent élevées. Techniquement, réduire simultanément les émissions de NOx et de suie n’est pas évident : une combustion optimale du carburant diesel conduira à moins d’émissions de suie, mais les températures plus élevées de fonctionnement du moteur entraîneront une formation plus importante de NOx. À l'inverse, une moins bonne combustion entraînera une augmentation des émissions de suie, mais moins de formation de NOx.

Dieselgate

Lors des essais en laboratoires, les voitures diesel respectent les limites d'émissions maximales admissibles (normes EURO) pour les oxydes d'azote (NOx), mais dans des conditions de conduite réelles, les voitures diesel modernes émettent parfois jusque 20 fois plus de NOx qu’autorisé par les normes EURO (lien en néerlandais : https://www.tno.nl/nl/over-tno/nieuws/2016/3/tno-publiceert-overzicht-met-details-geteste-dieselpersonenauto-s-2010-2015/). Les véhicules diesel récents répondant aux normes EURO 5 et 6 (//ecoscore.be/fr/legislation/european) émettent en circulation réelle presque autant (et même davantage pour certains modèles) de NOx que les véhicules plus anciens.

Ce problème est connu depuis des années par les experts (et les décideurs politiques). Plus récemment, celui-ci a été clairement porté à la connaissance du grand public lorsqu’en septembre 2015 le constructeur automobile Volkswagen a admis devant l’Agence de Protection de l’Environnement des États-Unis (US EPA), avoir installé des logiciels illégaux dans ses voitures diesel les plus modernes. Le fait que les voitures diesel (avec ou sans logiciels illégaux)  émettent dans des conditions de conduite réelles plus de NOx que ce qui est légalement autorisé est connu comme le « dieselgate ».
Une nouvelle législation européenne a été introduite afin de tester les émissions des véhicules également en conditions de circulation réelles : les émissions ne sont plus mesurées uniquement en laboratoire mais également dans la circulation.

L'introduction de ces nouveaux tests RDE (« Real Driving Emissions») sera progressive et débutera en septembre 2017 (//www.theicct.org/sites/default/files/publications/EU-RDE_policy-update_18012017_vF.pdf).

Fraude au filtre à particules

Depuis les  modèles répondant à la norme EURO-5, les voitures diesel sont équipées d'un filtre à suie « fermé » afin de répondre aux normes d'émissions de PM plus strictes - autorisant au maximum des émissions de 5 mg/km. Un filtre à suie fermé a un rendement très élevé et retient au minimum 90% de la matière particulaire produite par le moteur diesel. Des essais ont montré que la limite d'émission pour les particules fines est respectée non seulement en laboratoire mais également dans les conditions réelles de conduite. Le « dieselgate » est donc un problème de NOx, et non un problème de particules.

Cependant, les filtres à particules ont une durée de vie limitée et doivent être remplacés après un certain temps.  Pour réduire les coûts, des garagistes peu scrupuleux manipulent les voitures et en retirent simplement le filtre.  Cette fraude est connue depuis un certain temps, mais son ampleur est beaucoup plus grande qu’estimée. Ceci a notamment été révélé dans un reportage de la VRT (//deredactie.be/cm/vrtnieuws/binnenland/2.50743?eid=1.3014665). Dans ce reportage, il est estimé qu'en Belgique, entre 10 000 et 100 000 véhicules diesel ont été manipulés de cette manière. Une voiture diesel à laquelle le filtre est retiré émet (au moins) 90% de suie en plus.

Impact sur la qualité de l'air

On s’attend à ce que ces deux fraudes, dieselgate et filtre à particules, aient un impact significatif sur la qualité de l’air.

Pour évaluer cet impact, l’évolution des concentrations de NO2 (dioxyde d'azote) et de BC (black carbon, une mesure des suies) a été examiné pour la station de mesure de la qualité de l’air située avenue de la Couronne à Ixelles. Cette station est représentative de l’impact du trafic sur la qualité de l’air. En effet, l’avenue de la Couronne est une artère avec un trafic intense dans une configuration typique de « rue canyon », c’est-à-dire une rue fortement enclavée par des bâtiments. Cette configuration empêche généralement les émissions du trafic de se disperser efficacement et la pollution peut s’y accumuler. En outre, la pollution atmosphérique dans une rue  au trafic dense est déterminée en grande partie par les émissions provenant du trafic. L'impact d'autres sources telles que le chauffage des bâtiments ou les sources situées à l’extérieure de la rue, ont un impact limité sur les concentrations totales de NO2 ou de BC.

La figure ci-dessous montre l’évolution des concentrations de BC et de NO2 à la station de mesure d’Ixelles. Chaque point représente une moyenne glissante sur 12 mois. Il s’agit donc  d’une concentration calculée sur 12 mois, et à chaque point on « glisse » d’un mois. Le premier point correspond ainsi à la moyenne sur la période mai 2011 - avril 2012,  le deuxième à la période juin 2011 - mai 2012, et ainsi de suite jusqu’au dernier point correspondant à la moyenne entre juin 2016 et mai 2017.  Avec des moyennes glissantes sur 12 mois,  l’évolution à long terme est plus clairement mise en évidence qu’à partir de moyennes journalières ou mensuelles (qui sont plus influencées par les conditions météorologiques).
Le graphique montre la tendance relative par rapport au premier point, des concentrations de NO2 et de BC sur une période de 5 ans.

La figure montre clairement que les concentrations de NO2 à la station de mesure d’Ixelles sur une période de 5 ans n’ont pas diminué. En revanche, les concentrations de BC (suies), ont sur la même période diminué de 60%.

La forte baisse des concentrations de BC est très probablement due au renouvellement de la flotte de véhicule avec une plus grande proportion de voitures diesel équipées d’un filtre à particules efficace.  Les émissions de suie ont donc considérablement diminué avec comme conséquence directe une diminution des concentrations de BC.

Il y a 3,4 millions de voitures (diesel) en Belgique (chiffres 2016, //statbel.fgov.be/nl/statistieken/cijfers/verkeer_vervoer/verkeer/voertuigpark/), dont environ la moitié équipées d’un filtre à particules. Avec l'estimation la plus pessimiste de 100.000 voitures modifiées, cela signifie que 6% des voitures diesel avec filtres ont potentiellement été manipulées. L'impact de cette manipulation est difficile à évaluer,  mais sur base de la présente analyse, celui-ci semble assez limité..

La baisse de 2,5% de la part des voitures diesel dans le parc entre 2012 et 2016 a également pu jouer un rôle, mais ne suffit pas pour expliquer  la baisse de 60% des concentrations de suie.

Par contre, la stagnation des concentrations de NO2 montre l'impact du dieselgate -ici beaucoup plus important. Malgré le renouvellement de la flotte de véhicules, les concentrations de NO2 n’ont pas diminué entre 2012 et 2017. L'explication la plus probable est que les émissions de NOx des voitures diesel n’ont peu ou pas diminué  dans les conditions réelles de conduite. Cela explique aussi pourquoi la valeur limite annuelle pour le NO2 est encore dépassée dans les stations de mesures à proximité du trafic (la concentration annuelle moyenne en NO2 pour la station de mesure de l’avenue de la Couronne était de 48 µg/m³ en 2016 et  la valeur limite européenne annuelle, d’application depuis 2010, est de 40 µg/m³).

Actuellement, nous ne disposons pas d’information sur l’évolution du trafic dans l’avenue de la Couronne sur la période concernée.  Sur base de l’évolution des concentrations de NO2 et de BC, cet impact (augmentation ou diminution) semble cependant négligeable sur une période de 5 ans.
La stabilité des concentrations de BC et l'augmentation des concentrations de NO2 depuis janvier 2017 sont probablement dues aux conditions météorologiques défavorables (précipitations peu abondantes et vent faible) au cours de l’hiver 2016-2017.

Conclusion

Sur base de l‘évolution des concentrations de BC et de NO2 à la station de mesure de l'avenue de la Couronne à Ixelles,  Il est clair que le dieselgate a un impact important sur les concentrations de NO2 là où les émissions du trafic prédominent par rapport aux autres sources.
Par contre, l'introduction de filtres à particules a conduit à une réduction significative des concentrations de BC. L'impact de la fraude aux filtres à particules semble en outre plutôt limité. Cela ne signifie pas que cette fraude doit être minimisée : les émissions (suie) des véhicules diesel sont considérées comme cancérigène avéré par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'impact sur la santé peut donc être important.

Les mesures d’interdiction des véhicules (diesel) anciens auront donc un effet positif sur les concentrations de BC, mais auront peu d'impact sur les concentrations de NO2.

 


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