Environmental Performance Index (EPI) : la Belgique est-elle vraiment avant-dernière au niveau la qualité de l’air en Europe ?
L’Université de Yale classe régulièrement les États à l’échelle mondiale selon un « Indice de Performance Environnementale » (EPI) établi à partir d’une vingtaine d’indicateurs liés à la protection de la santé humaine et des écosystèmes. Dans leur dernière publication, la Belgique, bien que située au 41ème rang mondial (sur 180 pays), arrive en avant-dernière position en Europe pour le sous-indice lié à la qualité de l’air. Ce classement, qui a de quoi surprendre, doit être quelque peu précisé et relativisé.
Pour le sous-indice « qualité de l’air » l’indicateur principal utilisé par l’Université de Yale est la concentration moyenne annuelle en PM2.5 pondérée de la population. Pour déterminer cet indicateur pour tous les pays, l’Université de Yale utilise des données disponibles au niveau mondial et basées sur des mesures d'épaisseur optique des aérosols (aerosol optical depth ou AOD), déterminées à partir d’observations par satellites.
L’avantage de ce type de données est d’être disponible à une échelle mondiale, tous les États ne réalisant pas de mesures de concentrations de PM2,5 au niveau du sol. Le principal inconvénient est que la conversion des mesures d’AOD en concentrations au niveau du sol doit faire l’objet d’une validation. D’autre part, les mesures par satellite ne sont pas réalisées en continu et, de plus, elles ne sont pas possibles lorsque la couverture nuageuse et trop importante. Elles divergent donc parfois significativement des données disponibles au niveau européen, obtenues sur base des réseaux de mesure au sol. En effet, si on compare les données utilisées par l’université de Yale aux données collectées par l’Agence Européenne pour l’Environnement (EEA) qui proviennent des mesures réalisée en continu par les différents pays, on constate que pour certains pays, la différence est significative et que les concentrations déterminées par l’Université de Yale sont sous-estimées (voir graphique ci-dessous).
Figure : concentrations moyennes annuelles en PM2.5 pondérées par la population en µg/m³ - comparaison entre les valeurs EEA (abscisses) et Yale(ordonnées). Année 2012.
L’Université de Yale utilise également la concentration moyenne annuelle spatiale en dioxyde d'azote (NO2) comme indicateur. Le seuil fixé par Yale est de 12,6 µg/m3 en moyenne annuelle, qui correspond au 99ième percentile mondial. Les États qui ont une concentration spatiale supérieure à ce seuil, ce qui est le cas de la Belgique, se voient attribuer un score de 0 pour cet indicateur. Le NO2 étant majoritairement émis par le trafic et les processus de combustion, les petits pays densément peuplés comme la Belgique sont défavorisés par rapport à des pays plus grand où les concentrations élevées dans les zones urbaines sont compensées par des niveaux plus faibles dans les zones rurales. Ce seuil est en outre extrêment stricte : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) préconise en effet un seuil de 20 µg/m3 pour évaluer l’impact du NO2.
Dans le dernier rapport publié par l’agence européenne pour l’environnement (disponible à l’adresse : //www.eea.europa.eu//publications/air-quality-in-europe-2015), la Belgique se classe 15ème sur 28 pour la moyenne annuelle en PM2.5 avec, sur l’ensemble du territoire, des concentrations annuelles inférieures à 20 µg/m3, valeur limite prévue par la directive européenne 2008/50 au premier janvier 2020. Dans le sud du pays (Wallonie au sud du sillon Sambre et Meuse), les concentrations sont en certains points de mesures, inférieures à 10 µg/m3 en moyenne annuelle, qui est le seuil préconisé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En ce qui concerne la moyenne pondérée par la population, la Belgique se situe au 17ème rang.
Par ailleurs, le rapport annuel 2014 de la qualité de l’air en Belgique que nous avons récemment publié montre clairement la constante amélioration de la qualité de l’air en Belgique au cours de la dernière décennie. Ce rapport est disponible sur notre site : //www.irceline.be/fr/documentation/publications/annual-reports/rapport-annuel-2014/view.
Enfin, en 2015, pour la première fois, la Belgique a même respecté la valeur limite journalière pour les PM10 (issue des directives européennes) sur l’ensemble de son territoire.
En résumé, en utilisant les sources de données les plus directes et les plus représentatives dont nous disposons, la situation de la Belgique n’est donc pas aussi négative que le laisse supposer l’évaluation de l’Université de Yale. La Belgique respecte en effet actuellement les normes européennes de qualité de l'air en matière de PM2.5 et de PM10. Néanmoins, il reste encore des effort importants à faire pour atteindre les seuils recommandés par l'OMS sur l'ensemble du territoire.
Les concentrations en NO2 restent également encore trop élevées dans les grandes villes (valeur limite annuelle européenne de 40 µg/m³, identique à la valeur guide de l’OMS), notamment à proximité des grands axes de circulation. La cause principale sont les émissions d’oxydes d’azote des véhicules, principalement diesel, qui dans les conditions réelles de circulation émettent beaucoup plus que les niveaux autorisés par les normes EURO.
La pollution de l’air continue à avoir un impact négatif sur la santé humaine en Belgique. Des mesures supplémentaires de réduction des émissions seront donc nécessaires au niveau local, régional et européen pour améliorer la qualité de l'air et réduire cet impact.
Consultez le rapport de l’Université de Yale : //epi.yale.edu/reports/2016-report